Un mois après le décès de Hugo Chávez, la figure du leader bolivarien plane sur l´élection présidentielle qui, le 14 avril, désignera son remplaçant. L´opposition vénézuélienne, décidément peu en phase avec son peuple, a décidé de railler le successeur désigné, Nicolas Maduro, pour ses origines populaires. Ancien chauffeur de bus, syndicaliste et acteur des premières heures du chavisme, Maduro est entré en politique par la porte de la lutte des classes. C´est d´ailleurs, peut-être, son seul point commun avec son adversaire Henrique Capriles Radonski. Sauf que ce dernier, issu de la grande bourgeoisie vénézuélienne [1], ne s´est pas lancé en politique pour défendre les opprimés...
L´ancien ministre des affaires étrangères, devenu président de la République par intérim, a décidé de saisir l´opportunité offerte par la droite pour afficher son origine modeste. On a ainsi pu le voir conduire un autobus, le jour du dépôt de sa candidature, ou encore transporter des réfugiés vers leurs logements construits dans le cadre de la Grande Mission Vivienda Venezuela. Le candidat du chavisme mise sur la continuité du processus révolutionnaire et il ne manque pas de se réclamer, de façon assez mystique, de la figure d’un Chávez toujours vivant. Cette posture, peu compréhensible dans des sociétés agnostiques, ne manque pas de faire mouche chez les partisans du Comandante.
Capriles Radonski tente paradoxalement de se revendiquer, lui aussi, du leader défunt qu´il a pourtant tant critiqué. N´étant plus à une contradiction près, il reproche même à Maduro son invocation répétée de Hugo Chávez. Son équipe de campagne porte même le nom de Simon Bolivar, comme pour faire oublier que lors coup d’Etat d’avril 2002, auquel il participa, la figure et le nom du Libertador furent jetés aux oubliettes. Une semaine à peine après la disparition du Comandante, il a lancé aux chavistes en deuil : « Chávez n´est plus là, personne ne pourra vous le rendre ». Dans ce pays très chrétien, où le respect de la mort passe au dessus de toute considération politique, il n’est pas certain que cette déclaration soit la meilleure façon de se poser en candidat de tous les Vénézuéliens…
Ces effets rhétoriques servent avant tout à occulter son positionnement idéologique. Malgré l’engagement qu’il avait pris en 2012 d’appliquer le programme de la Table de l’unité démocratique (MUD), plateforme électorale de la droite vénézuélienne dont il est le candidat, il a présenté au Conseil national électoral un programme de gouvernement dont les références néolibérales ont été soigneusement rognées.
Conscient que ce positionnement à droite avait été l´une des raisons de sa défaite à l´élection présidentielle d´octobre 2012, comme l´a révélé le président de l´institut de sondage Hinterlaces [2], Capriles Radonski part, cette fois-ci, armé d´un nouveau document [3]. Ce texte est une succession de promesses, dont la plupart sont déjà mises en œuvre par le gouvernement bolivarien. Toutefois, le candidat omet délibérément de préciser quelle sera sa politique financière. Il propose seulement, en « garant du bien être collectif », de regagner la confiance du secteur privé grâce à de multiples déductions fiscales. Qui plus est, il entend faire de l´entreprise pétrolière publique Petroleos de Venezuela (PDVSA), une entreprise autonome, telle qu´elle l´était avant l´arrivée d´Hugo Chávez au pouvoir. Sa volonté de détruire l´Etat central au profit d´une décentralisation absolue ouvrirait aussi la voie à de futures politiques de privatisation des services publics.
Ces orientations rendent peu crédibles ses promesses électorales. De fait, dans ses meetings, il se contente de critiquer l´action gouvernementale, tout en affirmant qu´il ne manquera pas d´améliorer les résultats obtenus par gouvernement bolivarien. Les incohérences et les contradictions de son « nouveau » plan de gouvernement donnent à penser que ses véritables intentions restent bien celles décrites dans le programme commun de la droite vénézuélienne [4].
Malgré les discours d´unité, l´opposition vénézuélienne ne constitue cependant pas un bloc monolithique. Le 26 mars 2013, trois députés suppléants se sont retirés de la coalition de droite à l´Assemblée nationale, en accusant la MUD de ne pas vouloir reconnaître une future victoire de Nicolas Maduro au soir du 14 avril [5]. De plus, après les récentes manifestations violentes d´un groupe d´étudiants de droite, le secrétaire général d´Action démocratique (AD), Henry Ramos Allup, s´est emporté, traitant ces alliés inconditionnels de Capriles de « fumeurs de pétards, cocaïnomanes, et fils de p… » [6]. Ces attaques virulentes provenant d´un des principaux partis d´opposition montrent à quel point la défaite annoncée de Capriles rendrait difficiles les futures négociations au sein de l´antichavisme.
Notes:
[1] Voir Romain Migus, “Henrique Capriles, candidat de la droite décomplexée au Venezuela”, Mémoire des luttes, 28 février 2012, http://www.medelu.org/Henrique-Capriles-candidat-de-la (source consultée le 30 mars 2013)
[2] Oscar Schemel : “Los 6 millones de votos de Capriles, no son un respaldo a la oposición”, Noticias24, 9 octobre 2012 : http://www.noticias24.com/oscar-schemel-los-6-millones-de-votos-de-capriles-no-son-un-respaldo-a-la-oposicion (source consultée le 20/03/2013)
[3] Henrique Capriles Radonski, “Programa de Gobierno 2013-2019”, Consejo Nacional Electoral : http://www.cne.gob.ve/presidenciales/programas/HENRIQUE_CAPRILES.pdf (source consultée le 30/03/2013).
[4] Pour en savoir plus sur ce programme, voir Romain Migus, El programa de la MUD, Caracas, ed. Barrio Alerta, 2012 : http://www.infocentro.gob.ve/documento_672_El_programa_de_la_MUD.pdf
[5] Ricardo Sánchez retira apoyo a Capriles : “La MUD podría desconocer resultados del 14-A”, Noticias24, 26 mars 2013 : http://www.noticias24.com/ricardo-sanchez-retira-apoyo-a-capriles-la-mud-piensa-desconocer-resultados-del-14-a/ (source consultée le 30/03/2013)
[6] Entérese del atajaperro entre Ramos Allup y los Manitos Blancas, Aporrea, 27/03/2013. http://www.aporrea.org/oposicion/n225803.html (source consultée le 30 mars 2013.