Réforme Constitutionnelle et Déstabilisation : Chronique(s) d'une Révolution en marche



La campagne médiatique internationale contre le projet de Réforme partielle de la Constitution Bolivarienne proposé aux vénézuéliens en referendum populaire, nous oblige à revenir sur certains évènements de l'année 2007 afin de mettre en contexte la violence de la déstabilisation contre le gouvernement bolivarien. Blocus alimentaire, montage médiatique, faux sondages, mouvement étudiant d'opposition ultra-violent, cette longue chronique, et les vidéos auxquelles elle renvoie, propose de revenir sur certaines fausses vérités véhiculées ces derniers temps  par les entreprises de communication internationales.


Commençons par la fin ! 

Hugo Chavez, fort de l'hégémonie médiatique dont il jouit depuis la mise au pas de tous les media vénézuéliens, a décidé de lancer un Coup d'Etat contre la Constitution. Après avoir élaboré une réforme constitutionnelle en secret, sans tenir compte de la participation des différents secteurs de la société, la Constitution a été discrètement approuvée par l'Assemblée Nationale, et les vénézuéliens se sont réveillés malgré eux avec une nouvelle Charte suprême…

Mais malheureusement le gouvernement bolivarien ne respecte rien. Pas même, la manière dont les démocraties occidentales imposent des changements constitutionnels à l'opposé des choix de leurs Peuples.

Dans le Venezuela dictatorial décrit par les media, une réforme constitutionnelle ne s'impose pas aussi facilement que dans notre démocratie française. Le processus est plus long et surtout beaucoup plus démocratique et inclusif.

Le 15 août 2007, le président Chavez remet à l'Assemblée Nationale, une proposition de réforme de la Constitution. Cette réforme élaborée par un conseil de sage choisi par le Président entend modifier la Charte suprême afin de développer trois axes essentiels de la Révolution : le Pouvoir Populaire, le nouvel appareil productif, et le réaménagement territorial. Selon l'article 342 de la Constitution de 1999  (1), l'initiative de la réforme constitutionnelle revient soit à l'Assemblée Nationale, soit au Président de la République, soit à la Population pour peu qu'elle réunisse 15% de signatures des personnes inscrites sur le registre électoral. En ce qui concerne cette Réforme, l'initiative fut prise par le Président Chavez conformément à l'article 342. Immédiatement, cette proposition fut critiquée par l'opposition de droite et une partie de l'ultra-gauche nationale et surtout internationale au motif que cette proposition de réforme fut élaborée par une commission réduite sans tenir compte des apports du Peuple.

Critique systématique de la part des uns et méconnaissance de la Constitution de la part des autres  (2) puisque durant près de deux mois, l'Assemblée Nationale va débattre de la Constitution et recevoir les propositions de tous les secteurs de la société. Ce point mérite d'être souligné car au sein de cette construction collective de la proposition de Réforme constitutionnelle, l'Assemblée Nationale va recevoir, le 10 septembre dernier, les propositions de trois dirigeants d'opposition (Julio Borges du parti Primero Justicia, Henry Ramos Allup de Accion Democratica -qui prône désormais l'abstention au referendum-, Nicolas Sosa du parti Movimiento Al Socialismo).  Le 25 septembre, Henrique Capriles Radonski et Emilio Grateron, respectivement maire et conseiller d'opposition d'un arrondissement de Caracas furent aussi reçu. De même, l'Assemblée Nationale va recevoir des membres du Haut-clergé, de Fedecamaras (dont le président avait pourtant dissout l'Assemblée Nationale lors du coup d'Etat d'avril 2002), et une délégation des étudiants formés par les serbes d'Otpor, avec la bénédiction de Washington. De plus, l'opposition durant tout le débat et les différents votes à l'Assemblée Nationale, a pu compté sur les députés du parti social-démocrate Podemos, élus sous les couleurs de la Révolution et désormais contre-révolutionnaire affichés.  (3) Le résultat de cette concertation avec les différents secteurs de la société, a été l'inclusion dans la proposition de réforme de la Constitution de 36 articles supplémentaires en plus des 33 proposés par le Président Chavez. Ce sont ces 69 articles (moins de 20% de la totalité des articles de la Constitution), qui, en deux parties (la proposition de Chavez, les articles proposés par les députés) seront soumis à un referendum populaire, le 2 décembre prochain.

Comme une mauvaise habitude, les élections au Venezuela sont l'enjeu pour une bonne partie de l'opposition de tester la résistance de l'Etat vénézuélien. Propagande de guerre (à laquelle se livrent les media commerciaux, Globovision et RCTV en tête), appel au coup d'Etat, mini-émeutes organisées, délégitimation par avance du résultat du 2 décembre, etc. Pour n'importe quel observateur aguerri aux processus électoraux au Venezuela, cela s'apparente à la réaction "normale" d'une opposition qui sait qu'elle s'achemine vers une autre banqueroute électorale malgré le perfectionnement des techniques de déstabilisation.


Retour sur le début de la campagne contre la réforme : amélioration des techniques de déstabilisation

La première fois qu'Hugo Chavez a évoqué la possibilité de reformer la Constitution fut lors d'un discours durant la campagne électorale présidentielle, le 1er septembre 2006. La réforme de la Constitution, dont certains articles étaient une entrave à l'approfondissement du Pouvoir Populaire, n'est donc ni une surprise ni un caprice du président. Qui plus est, le Peuple vénézuélien, en connaissance de cette possibilité de Réforme avait réélu triomphalement Hugo Chavez en décembre dernier. A peine élu, Hugo Chavez lance les 5 nouveaux moteurs du Socialisme du XXIe siècle. Le deuxième moteur est absolument clair : réforme de la Constitution. Dés le début de janvier 2007, le processus pour réformer la Constitution est lancé.

Dans le même mois de janvier 2007, suite à une régulation des produits alimentaires de base, a commencé une forte attaque planifiée du patronat dont le but est de créer un malaise au sein de la population. Notons que les régulations des prix par le gouvernement vénézuélien ne sont pas propres au socialisme bolivarien puisque différents gouvernements l'ont pratiqué au Venezuela depuis le début des années 80.

La réaction du patronat à cette nouvelle régulation a été de faire disparaître des rayons de vente les produits concernés dans le but de spéculer et faire augmenter leur valeur. Ainsi, en janvier, on a vu disparaître la viande, en février l'huile, ensuite les haricots, ensuite le sucre, ensuite les oignons, puis les tomates...etc, etc. Mais la capacité de résistance du patronat se heurte à celle du gouvernement ET DU PEUPLE qui tiennent bon, et finalement ces produits réapparaissent sur les rayons aux prix régulés après quelques semaines de blocus. Tous les moyens sont bons pour contourner les prix régulés. Lorsque les prix de la viande ont été fixés par le gouvernement, et que ce produit s'était subitement volatilisé, il était en revanche assez facile de trouver de la viande hachée ou des steaks au "paprika" ou aux "herbes". Parce qu'ainsi, avec le service ajouté, les revendeurs contournaient le prix régulé. Plus que de rupture de stock par faute de Socialisme, c'est à un véritable blocus planifié auquel doivent s'affronter les citoyens vénézuéliens. Et lorsqu'un produit revient sur le marché, disparaît un autre. En ce moment, il est très difficile de trouver du lait. Ce qui est particulièrement grave puisque c'est l'aliment principal des nouveaux-nés et des enfants. Et pourtant, dans un pays où le lait a "disparu", on trouve profusion de beurre, de crème fraîche, de yaourt, de fromage, car leur prix n'est pas régulé ou a été accepté par le patronat.

Ce qui peut s'apparenter à une nouvelle forme de lock-out étalé dans le temps s'accompagne d'une intense campagne médiatique pour accuser le gouvernement bolivarien d'être le responsable de cette situation. Bien que la capacité de blocus du patronat n'excède généralement pas 8 semaines par produit, cette campagne est pourtant relayée à l'étranger, donnant l'image d'un gouvernement qui affame son Peuple. (4)

Les Conseils communaux, les services des douanes et des impôts et la Réserve militaire nationale sont engagés dans la traque des entrepôts où repose la marchandise déposée par le patronat pour spéculer à la hausse sur les prix des aliments de base. Des dizaines de milliers de tonnes ont été ainsi découvertes entreposées par les entrepreneurs dans des hangars et remis sur le marché aux prix régulés.  (5) Récemment Nestlé retenait 125.000 kilos de lait en poudre (l'équivalent d'un million de litre de lait) dans un de ses entrepôts de l'Etat côtier d'Anzoategui. L'intervention du Peuple et des institutions vénézuéliennes a permis de remettre en vente le lait que Nestlé destinait à la spéculation.  (6) Ces types de découverte par la population et les services de l'Etat sont quasiment journaliers !

Au niveau national, l'objectif recherché est de fatiguer la population pour la retourner contre le gouvernement. Un des mots d'ordre de l'opposition pour défendre le vote "Non" au referendum, est d'associer le "non à la réforme" au "non à la disparition des aliments dans les supermarchés", montrant par là tout le cynisme de leur position, et le mépris du Peuple vénézuélien, que le patronat fait souffrir pour tenter d'obtenir enfin un résultat électoral favorable.

Il n'est pas inintéressant de noter que le blocus alimentaire le plus proche du referendum s'opère sur le lait, aliment essentiel par excellence, notamment pour les nouveaux-nés. Le gouvernement a déjà annoncé qu'il importerait plus de 10 mille tonnes de lait en poudre pour couvrir la demande des fêtes de fin d'années.


Les enfants de l'autonomie universitaire : le "mouvement étudiant virtuel"

Les conséquences de l'autonomie universitaire au Venezuela ont été de transformer les Universités publiques en un marché comme les autres, où des entreprises privées nationales et/ou internationales entrent dans le financement des filières qui les intéressent. Ce qui a pour conséquence le départ des cerveaux vers l'entreprise privée au détriment du développement de la Nation et de la participation du diplômé au bien commun. De même, l'Université est aussi une entreprise comme les autres qui doit retirer des bénéfices de ce qui rapporte. Et ce qui rapporte au Venezuela, ce n'est pas l'éducation mais le pétrole. On ne sera donc pas étonné que l'Université Centrale du Venezuela ait investi dans des puits de pétrole de manière tout à fait autonome. Le maniement des bénéfices étant lui aussi autonome, l'ancien ministre de l'éducation supérieur, Samuel Moncada, avait ouvert une enquête pour comprendre où va l'argent des puits de pétrole de l'Université Centrale ainsi que les bénéfices d'autres Universités publiques.  (7)  Dans ce grand marché de l'éducation supérieure, l'accès à l'Université publique est restreint. Pour ce qui concerne l'Université Centrale du Venezuela, fondée par Simon Bolivar, 83% des étudiants inscrits à cette Université proviennent de lycées privées, alors que ceux-ci ne représentent que 20% des lycées vénézuéliens.

On comprendra donc que les étudiants des Universités publiques traditionnelles soient dans leur grande majorité issue des classes les plus aisées du Venezuela. C'était en tout cas le paysage que donnait l'éducation supérieure du Venezuela avant Chavez. Le gouvernement n'a eu de cesse de réparer cette injustice. Création d'un Ministère de l'Education supérieure, création d'Universités Expérimentales, création de l'Université Bolivarienne du Venezuela (UBV), ouverture massive de l'Université Nationale Expérimentale Polytechnique des Forces Armées (UNEFA). De plus, en créant les Missions éducatives, le gouvernement va inclure les secteurs les plus défavorisés dans l'éducation nationale. Les chiffres parlent d'eux même : de 330.000 étudiants en 1998, le Venezuela compte aujourd'hui prés de 1.400.000 étudiants. Afin d'être en capacité de recevoir un flot de plus en plus grand de nouveaux étudiants,  le gouvernement a lancé, en novembre 2006, la Mission Alma Mater, qui prévoit la construction de 38 établissements d'Education Supérieure dont 6 nouvelles Universités.

Cette réaction du gouvernement a eu pour conséquence de rompre le privilège que constituait l'Education supérieure (voire l'Education tout court) au Venezuela. Les Universités publiques traditionnelles et les Universités privées qui sont le fer de lance des groupes d'étudiants d'opposition se sont retrouvées marginalisées en nombre au sein de l'ensemble des étudiants que compte désormais le Venezuela. Sur 1.400.000 étudiants, les manifestations d'étudiants d'opposition peine à réunir dans chacune de leurs manifestations plus de 5.000 manifestants. La composante sociale de ces manifestants joue ici en leur défaveur.

Il n'est pas inintéressant non plus de voir quelles universités privées participent principalement à cette déstabilisation. Il s'agit de l'Université Catholique Andres Bello, partenaire privilégié de la Fondation de l'ancien chef de gouvernement espagnol José Maria Aznar  (8), dont le recteur, l'abbé Luis Ugalde a participé à l'organisation du Coup d'Etat d'avril 2002  (9). De même, les étudiants de l'université Monte Avila font partie des groupes d'étudiants d'opposition. Cette université est le centre d'Etude de l'Opus Dei au Venezuela  (10)

Et pourtant, au prisme des grandes entreprises de communication internationales, ces groupes marginaux se sont transformés en "mouvement étudiant". Les media parlent aussi d'un "parlement étudiant" sans préciser que celui-ci est une initiative des ces groupes minoritaire d'étudiants d'opposition sans aucun pouvoir légal.

Qu'on ne s'y trompe pas, les étudiants vénézuéliens soutiennent largement le processus révolutionnaire qui leur a permis pour la plupart d'accéder à l'Education. L'ampleur du "mouvement des étudiants d'opposition" a été construite par les media, c'est un mouvement virtuel.

Le 21 novembre 2007, une manifestation des étudiants bolivariens réunissait plus de 50.000 étudiants à Caracas. Soit dix fois plus que la plus grande des concentrations d'étudiants opposés au gouvernement. Du jamais vu au Venezuela. Le rouleau compresseur médiatique international n'a pas daigné mentionner la mobilisation étudiante soutenant la Réforme constitutionnelle.

Quant aux leaders du "mouvement virtuel", ils obéissent à une stratégie qui a déjà fait ses preuves en Yougoslavie, en Georgie et en Ukraine.


Les stratégies de Révolution colorée au Venezuela

Il y a un an, nous avions déjà dénoncé la préparation d'une "Révolution orange" au Venezuela. Les groupes d'étudiants sont le principal fer de lance de ces Révolutions colorées. Nous écrivions alors : "Une organisation de la jeunesse de ce type avait fait défaut aux mobilisations qui suivirent la victoire de Chavez au referendum d’août 2004. Le Venezuela a désormais son Otpor."   (11) Otpor, en référence au groupe de jeunes adeptes serbes des thèses de l'Albert Einstein Institution (AEI), et leaders du coup d'Etat contre Milosevic en 2000, et désormais reconvertis dans l'organisation de coup d'Etat contre les régimes trop éloignés de Washington.


L'Albert Einstein Institution a commencé son travail au Venezuela dés l'année 2003 afin d'organiser un coup d'Etat coloré contre le gouvernement bolivarien. L'actuel directeur de cet organisme, le Colonel de l'armée US, Robert Helvey et un membre de longue date de l'Albert Einstein Institution, Chris Miller, vinrent à Caracas pour former durant 9 jours des responsables de l'opposition aux techniques de coup d'Etat non-violent. Ce fut un fiasco, notamment parce qu'un des contacts privilégiés de l'AEI était un fasciste ultra-violent : Robert Alonso. Après avoir organisé des combats de rue en mars 2004, ce dernier avait accueilli dans sa propriété de Caracas 156 paramilitaires colombiens d'extrême droite pour tenter d'assassiner Chavez. Il vit aujourd'hui confortablement à Miami.

Face à cet échec retentissant, les serbes d'Otpor, regroupés désormais dans le Centre pour l'Application des Stratégies et Actions Non-Violentes (CANVAS), furent appelés à la rescousse pour former un groupe similaire au leur au Venezuela.

Le premier contact entre les serbes d'Otpor et les étudiants vénézuéliens aura lieu en mars 2005 lors d'un séminaire organisé à Boston par l'Albert Einstein Institution. Comme le montre un rapport de l'agence de renseignement privée STRATFOR, cette collaboration va se poursuivre puisque les jeunes serbes vont venir au Venezuela le 5 octobre 2005, soit quelques semaines avant les élections parlementaires  (12). Les premiers résultats du travail d'Otpor au Venezuela vont se percevoir durant l'élection présidentielle de décembre 2006 où deux mouvements étudiants prônaient ouvertement un coup d'Etat soft.  (13) Mais le grand fossé existant entre les deux candidats le soir des résultats, et la reconnaissance de sa défaite par le candidat de l'opposition va frustrer toute tentative de déstabilisation.

C'est avec la non-rénovation de la concession que RCTV occupait dans l'espace hertzien public que le "mouvement étudiant virtuel" va prendre toute son ampleur. Profitant d'un mécontentement chez certains jeunes collégien(ne)s, et lycéen(ne)s (mécontentement provoqué entre autre par la disparition momentanée de la telenovela du soir), un mouvement étudiant d'opposition va surgir de nulle part et utiliser les techniques enseignées par Otpor et l'Albert Einstein Institution. Mais ce qui avait fonctionné en Yougoslavie, en Ukraine et en Georgie ne va pas marcher au Venezuela. Il est vrai qu'une des composantes essentielles de ce type de coup d'Etat dont les étudiants sont l'avant-garde médiatique est la paralysie de la production et de l'appareil d'Etat. Or, les travailleurs et les fonctionnaires sont dans leur très grande majorité des soutiens au gouvernement. De plus, les réponses immédiates du mouvement étudiant bolivarien ont empêché la minorité d'étudiants putchistes d'occuper tout l'espace médiatique national, et de s'autoproclamer porte-parole des revendications étudiantes. Au niveau international en revanche, l'action combinée des stratégies non-violentes avec des actes d'une violence inouïe va créer la confusion d'un Venezuela ingouvernable dont l'unique responsable est bien sûr, Hugo Chavez.

Ce qui s'est déroulé en juin avec la non-rénovation de la concession à RCTV n'était qu'une répétition générale pour le nouveau théâtre d'opération que constitue désormais l'opposition à la Réforme constitutionnelle. Dés le mois d'octobre 2007, des étudiants vénézuéliens, provenant des Universités privées mentionnés plus haut, vont se rendre directement à Belgrade, pour perfectionner leur savoir auprès des jeunes d'Otpor.  (14)


L'usage calculé de la force par le "mouvement étudiant virtuel"

Les media commerciaux sont la pierre angulaire des techniques de révolutions colorées. Ils permettent de créer une réalité virtuelle à l'opposée des faits réels, pour ensuite justifier une intervention étrangère (pas forcément sous la forme militaire, mais aussi politique, de médiation, etc...) qui appuierait la minorité putchiste. La manipulation médiatique au Venezuela repose sur la création de violences de la part de l'opposition pour ensuite en faire reposer la faute sur le gouvernement. Et ainsi, pouvoir condamner la violence et se faire l'avocat d'une réconciliation nationale… Main dans la main avec les media commerciaux, et particulièrement la chaîne Globovision, le "mouvement étudiant virtuel" très bien conseillé par les serbes d'Otpor a réalisé plusieurs montages de ce type.

Le jeudi 1 novembre, le "mouvement étudiant virtuel", des membres des partis d'opposition, ainsi que le directeur de la chaîne Globovision, marchent sur le Centre National Electoral (CNE) pour remettre un document aux membres de sa direction. Arrivés devant le bâtiment, un barrage de police laisse passer une délégation des étudiants d'opposition. A peine remis le document, ces étudiants tentent de s'enchaîner à l'escalier du CNE en utilisant des chaînes qu'ils portaient comme ceinture. Dans la "dictature" vénézuélienne, ils n'avaient pas été fouillés avant de pénétrer dans l'enceinte du Pouvoir électoral. Au même moment, les étudiants qui attendaient dehors commencent à agresser le cordon policier pour faire une diversion. La violence des faits  (15) contraste complètement avec leur soi disant "non-violence". Des étudiants essaient même de brûler vifs des policiers en déversant des litres d'essence dans la voiture sur laquelle ils étaient montés.  (16) Finalement l'essence déversée ne sera pas allumée. Il est vrai qu'il aurait été difficile de défendre l'image d'une manifestation "non-violente" avec des images de cadavres de policiers carbonisés.

Les étudiants n'ayant pas réussi à s'enchaîner à l'intérieur du Centre National Electoral, le combat de rue change de lieu. Les groupes étudiants qui agressaient les policiers se replient sur l'avenue Bolivar toute proche et détruisent tout sur leur passage (bancs détruits, arbres brûlés à l'essence, jardinières de fleurs renversées, décoration arrachées,…). Les policiers dispersent les manifestants au moyen de gaz lacrymogène, d'un canon à eau et de cartouche de petits plombs, et non pas de balles en caoutchouc comme le stipulent les media internationaux. Il n'y aura aucune interpellation.

Qu'importe, pour CNN, c'est une "répression féroce du gouvernement contre une manifestation pacifique", la presse internationale suivra cette vérité sans mettre en doute les intentions "pacifiques" des étudiants.

Quelques jours plus tard, les étudiants d'opposition organisent une manifestation pour faire part de leurs doléances au Tribunal Suprême de Justice, où ils seront reçus par sa plus haute autorité, Luisa Estela Morales. La manifestation se déroule sans heurt. Les manifestants regagnent leurs universités. En revenant à l'Université Centrale du Venezuela, le cortège croise des étudiants chavistes collant des affiches en faveur de la Réforme. Insultes, jets, de pierre, etc. Les chavistes, bien inférieurs en nombre se réfugient dans le bâtiment des Etudes de Travail Social, où étaient en train d'étudier quelques 150 jeunes vénézuéliens. Un groupe d'étudiants d'opposition les y assiègent, bloquent l'entrée et mettent le feu au bâtiment. Face à l'immobilisme des autorités de l'Université (acquises à l'opposition) qui n'enverra que les pompiers gênés dans leur travail par les jets de pierre et les tirs à l'arme à feu entre les étudiants d'oppositions et les chavistes retranchés dans le bâtiment, les militants chavistes décident d'organiser leur propre sauvetage ainsi que celui des étudiants de Travail Social pris au piège. Ils préviendront des éléments extérieurs à l'Université, qui arriveront armés en moto pour les secourir. Les deux bandes (ceux en moto et le groupe d'opposition) font usage de leurs armes. Bilan : 6 blessés, et le sauvetage des 150 personnes assiégées dans le bâtiment.

Sur place, une équipe de Globovision préalablement équipée de gilet pare balle, et de masques à oxygène retransmet les images d'un groupe armé en moto tirant sur les étudiants d'opposition. Une équipe de la chaîne communautaire Catia TV et un groupe de documentalistes étrangers sont aussi sur place mais sans compter sur le matériel anti-émeute dont bénéficient les journalistes "prévoyants" de Globovision. Les seules images de la chaîne d'opposition feront le tour du monde. Dans un article dont le seul titre est déjà mensonger et partisan ("Tirs à Caracas contre les étudiants hostile à Hugo Chavez"), Paolo A. Paranagua du journal Le Monde expose, depuis Paris, sa version des faits : "Les étudiants qui rentraient de la manifestation ont trouvé un autobus incendié et des individus cagoulés et armés barricadés dans l'Ecole de travail social de l'UCV, bientôt relayés par des dizaines de commandos arrivés sur des motos et portant des armes de poing."  (17). Qu'importe que le chauffeur du bus en question ait dénoncé après coup les étudiants d'opposition comme responsable de l'incendie de son véhicule (ceux-ci ayant sorti le chauffeur de son bus pistolet sur la tempe).  (18). Les coupables pour Le Monde sont déjà identifiés : un commando chaviste. Sous la plume de Charles Dantzig, dans Libération, on apprend que "des milices actionnées par Hugo Chavez sont entrées dans l’Université centrale du Venezuela à Caracas, sept blessés."  (19) Ces média-mensonges réacréditent au passage l'existence d'unités paramilitaires au service du gouvernement. On se rappelle qu'au début du processus bolivarien, les media qualifiaient déjà les partisans du gouvernement réunis en comités de quartiers (les Cercles Bolivariens) de "Cercles de la Terreur", de "horde armée chaviste", etc… Un communiqué du Parti Socialiste français reprendra à son compte le montage médiatique pour condamner les violences et l'intolérance des chavistes.  (20)

Qui plus est, si tout le monde a pu voir les images du sauvetage opéré par le groupe en moto, qu'en est-il des témoignages des étudiants terrorisés qui étaient pris au piège dans les bâtiments d'Etudes de Travail Social ?  (21)

Nous nous demandons que se serait-il passé si les étudiants qui manifestent contre l'autonomie universitaire en France, au retour d'une manifestation, auraient bloqué un groupe d'étudiant de l'UNI (syndicat universitaire de droite) dans un bâtiment d'une fac, empêchant toute sortie et mettant le feu aux installations dans le but inconscient de brûler vif les membres de l'UNI et les étudiants du bâtiment ? Qu'aurait alors raconté Le Monde sur ces étudiants pyromanes ? On peut imaginer fort aisément que ces étudiants seraient aujourd'hui en prison.

Au Venezuela, la "dictature communiste" d'Hugo Chavez les a laissés libre de recommencer. Et même plus, les étudiants d'opposition ont été reçu deux fois par l'Assemblée Nationale, par le Tribunal Suprême de Justice, par le Procureur Général de la République et par le Ministre de l'Intérieur. Drôle de dictature qui ouvrent les portes du Pouvoir à un groupe d'étudiant minoritaire et ultra-violent…

En revanche, lorsque ces étudiants révèlent leurs pratiques au grand jour, les media internationaux se taisent. Le 3 novembre, soit le jour suivant les incident du CNE, des élections à l'Université du Zulia ont dégénéré : 2 morts, dont une étudiante du Parti d'opposition Primero Justicia. Immédiatement, Globovision responsabilisent des groupes chavistes. Mais des vidéos amateurs ne tardent pas à révéler que les auteurs des tirs sont des étudiants liés au parti "Un Nuevo Tiempo", de l'ancien candidat à l'élection présidentielle, Manuel Rosales. Ils tentaient d'intimider des candidats à l'élection au Conseil Universitaire, pour garder l'emprise sur le pactole que représentent les contrats pour les transports et la cantine universitaire. Mafia, vous avez dit mafia ??? Aucun media français n'a offert au public cet autre visage des étudiants d'opposition. Il est vrai qu'aucun étudiant lié à la Révolution bolivarienne n'était présent lors de cet assassinat.

Comment se fait-il que les media internationaux continuent de parler "du mouvement étudiant pacifique" alors qu'il s'agit d'un groupe minoritaire d'étudiants pour la plupart issus des couches aisés de la population vénézuélienne, exprimant leur rejet du gouvernement par la violence et l'hypocrisie. La Réforme constitutionnelle n'est qu'un prétexte, comme le fut la non rénovation de la concession à RCTV, pour tenter de renverser le gouvernement bolivarien au mépris des règles du jeu démocratique. Les enseignements des serbes d'Otpor font leurs preuves…


Tenter de dévier le cours de la Révolution bolivarienne vers une social-démocratie de type européenne

Au fur et à mesure que la Révolution Bolivarienne emprunte chaque jour un peu plus le chemin vers le Socialisme, un nombre réduit mais continu de soutien au processus révolutionnaire se retire et part grossir les rangs de l'opposition. Il n'y là rien d'étonnant. Lorsque Hugo Chavez est élu en 1998, il l'est surtout en opposition au système bipartite clientéliste et corrompu qui avait marqué 40 ans de politique vénézuélienne. Il fut donc suivi par nombre d'opportunistes de toutes les tendances politiques. Le coup d'Etat et le lock-out de l'année 2002 vont permettre de clarifier les appuis politiques de la Révolution. Des partis ou des personnalités vont alors quitter les rangs de la Révolution et en payer le prix : un électorat désormais proche de 0%.

Le 30 juin 2007, soit deux jours après la non-rénovation de la concession à RCTV, le parti Podemos, dont les élus l'ont été pour soutenir la Révolution Bolivarienne, sont invités  par l'Internationale Socialiste; prélude nécessaire à une future admission. Depuis la création du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV), Podemos critiquait ouvertement le gouvernement pour ses choix politiques. La grande majorité de ses élus et de ses militants avait alors quitté Podemos pour rejoindre le PSUV. Ce qui n'était un mystère pour personne s'est ouvertement manifesté depuis: Podemos s'est fait le porte parole de l'opposition à l'Assemblée Nationale, tenant un discours appelant à "la réconciliation nationale". De manière très hypocrite, ils prétendent défendre le président Chavez mais pas sa vision du Socialisme pensant par là tromper une partie de l'électorat chaviste, pourtant attaché au Socialisme du XXIe siècle.

Le Parti Podemos, a tissé des alliances qui montrent bien leurs véritables positions. Son secrétaire général, Ismaël Garcia, est désormais animateur sur la chaîne d'extrême droite, Globovision, d'une nouvelle émission politique : "Alo Venezuela". Comme si la référence à l'émission phare du président ne suffisait pas, Ismaël Garcia a repris le même logo pour son programme. Quant au gouverneur de l'Etat d'Aragua, resté fidèle à Podemos, il a ouvert les portes de son Etat à la coopération avec …. l'ambassade des Etats-Unis à Caracas. Les derniers élus de Podemos jouent dans la campagne contre la Réforme leur dernière carte pour se maintenir au pouvoir. Les prochaines élections régionales et municipales de 2008 devraient voir le Peuple sanctionner ces élus pour élire un représentant du PSUV. Il n'importe, ces désertions coïncident bien avec l'idiosyncrasie européenne. Après tout, les membres de Podemos seraient les représentants de cette "gauche" raisonnable contre la dictature populiste. Alors qu'ils ne suscitaient aucun intérêt pour les media internationaux jusqu'à peu, les très rares élus de Podemos sont devenus récemment des "stars" incontournables depuis leur "retour à la Raison".

Autre artisan de poids dans cette tentative de dévier la Révolution bolivarienne vers le centre, le Général Raul Baduel s'est prononcé le 6 novembre contre la Réforme constitutionnelle l'accusant même d'être un "coup Etat institutionnel". Le choix de se prononcer à deux jours du lancement de la campagne électorale, en n'invitant à sa conférence de presse que des media commerciaux a jeté un froid momentané chez certains chavistes qui considéraient l'ancien ministre de la défense comme un fidèle du processus révolutionnaire. Les débuts en politique du Général Baduel sont marqués par la même recherche que le parti Podemos : se faire une place au centre de l'échiquier politique vénézuélien. L'idéologue et mentor du général Baduel, le sociologue Heinz Dietrich l'exprime clairement dans un texte consacré à ce sujet : "Pour éviter un futur incertain et empêcher que la droite et l'impérialisme ne reprennent le pouvoir au Venezuela, il sera nécessaire que Chavez et Baduel arrivent à un accord négocié se basant sur une alliance stratégique entre le centre politique et le Bolivarianisme."  (22) Loin des manœuvres électorales du sociologue allemand, le Peuple vénézuélien a surtout pris la position de Raul Baduel comme une trahison.

Un des effets collatéraux de la stratégie Baduel/Dietrich est de montrer une fois de plus le manque de sérieux de l'analyse de certains intellectuels médiatique français. En effet, le 11 mai 2005, Alexandre Adler écrivait dans le Figaro : "Le stalinien allemand du nom de Dietrich travaille la main dans la main avec les hommes de la Havane pour étouffer rapidement ce qui reste de démocratie au Venezuela "  (23) Alexandre Adler va-t-il devenir désormais un fidèle adepte de Hugo Chavez maintenant que Dietrich et son élève sont passés à l'opposition? On n'en saura sûrement rien. Cela démontre seulement le manque de sérieux des intellectuels médiatiques français lorsqu'ils parlent du Venezuela.

La stratégie de détourner le Peuple vénézuélien de son souhait de construire le Socialisme apparaît d'emblée assez difficile tant pour Podemos que pour le général Baduel. Une grande majorité de l'opposition leur refuse tout crédit pour leur longue collaboration avec le gouvernement bolivarien. Il est vrai que le 18 octobre, soit 18 jours avant son discours, Raul Baduel avait tenu des propos défendant la Réforme constitutionnelle.  (24) Ce que n'ont pas manqué de reprendre certains opposants de longue date. Le journaliste de RCTV, Miguel Angel Rodriguez, ancien employé du Département d'Etat étasunien  (25), se prononcera même contre le général Baduel se demandant où était ce dernier lorsque, selon lui, le gouvernement massacrait la démocratie dans le pays. Dans une opposition très divisée entre l'abstention et le vote "Non", il semble peu probable que le général Baduel soit accueilli comme un leader potentiel. Le souvenir de Francisco Arias Cardenas, compagnon d'armes de Chavez et candidat de l'opposition lors des élections présidentielles de l'an 2000, aujourd'hui ambassadeur à l'ONU et membre du PSUV est encore vif. Pour une bonne partie de l'opposition, l'ancien ministre de la défense apparaît comme une "taupe" envoyée par le président Chavez pour les diviser.

Même au sein de l'armée, les répercussions de la prise de position politique de Baduel sont minimisées par les responsables militaires. Qui plus est, les proches de l'ancien ministre de la Défense qui occupaient des postes élevés dans la hiérarchie en ont été écartés.

Ce qui n'empêchera pas les media internationaux de gonfler l'importance de la prise de position du général Baduel et jeter le doute sur le soutien populaire au gouvernement bolivarien. Le Monde consacrera pas moins de 4 articles à ce sujet.  (26). Une tempête dans un verre d'eau qui n'affecte pas le processus démocratique vénézuélien même si le rouleau compresseur médiatique international se focalise sur le verre !


Enquêtes bidons et paramilitaires : répétition du scénario de décembre 2006

Une des caractéristiques de la campagne électorale pour la présidentielle de 2006 avait été la publication de nombreux sondages donnant le candidat de l'opposition, Manuel Rosales, comme vainqueur des élections. On connaît la suite, Chavez fut réélu président avec plus de 63% des voix. La publication de ces fausses enquêtes a un double objectif. D'une part, ces sondages ont un effet psychologique positif sur les opposants au gouvernement, d'autre part ils renforcent l'idée d'une fraude électorale lorsque les véritables résultats de la consultation populaire sont connus. Peu importe que toutes les élections au Venezuela furent approuvées par des observateurs internationaux, le recours au mythe de la fraude électorale est utilisée systématiquement par certains leaders d'opposition depuis le referendum révocatoire. Peu avant les élections présidentielles de 2006, nous écrivions "la publication de diverses enquêtes donnant Rosales gagnant ou au coude à coude avec Chavez fait parti de la stratégie de l'opposition vénézuélienne et de leurs alliés de Washington, Miami et Langley pour tenter de prendre le pouvoir coûte que coûte en ce prochain mois de décembre. Comme nous l'avons vu précédemment, cette même technique fut employée lors des "révolutions" de Washington en Europe de l'est. "  (27) Mais devant la nette victoire du président Chavez, le plan de déstabilisation n'avait pu être enclenché. On ne sera donc ni étonné que certaines enquêtes donne l'opposition gagnante au referendum du 2 décembre prochain, ni que Le Monde s'en fasse l'écho malgré le ridicule des chiffres annoncés.  (28)

Pour ce referendum, l'opposition table sur l'abstention pour pouvoir contester les résultats. Elle oublie volontairement de préciser que l'abstention à un referendum est une constante dans les élections vénézuéliennes. La Constitution du Venezuela, défendue aujourd'hui par l'opposition alors qu'elle s'y opposait en 1999, avait été approuvée par seulement 30.18% des électeurs inscrits, soit 3.301.475 électeurs.  (29) Notons que depuis lors, le registre électoral a considérablement augmenté, le gouvernement ayant au sein de la Mission Identidad inscrit de nombreux exclus sur les listes électorales.  (30). Même si l'abstention promet d'ors et déjà d'être élevée, le nombre d'électeurs qui se prononcera sera bien supérieur à celui approuvant la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela.

En fait, l'abstention est aussi un prétexte pour que le referendum sur la réforme constitutionnelle n'ait pas lieu. S'appuyant sur une enquête sortie d'on ne sais où, les dirigeants du parti Podemos, relayés par le "mouvement étudiant virtuel" déclarent que 80% des vénézuéliens ne connaissent pas le texte de la Réforme. Or comme le note le journaliste Sébastien Brulez, "Depuis plusieurs semaines, aux abords de la Place Bolivar à Caracas, on ne fait pas vingt mètres sans tomber sur des volontaires qui distribuent des exemplaires de la réforme constitutionnelle. (…) Ce qui frappe, c’est que les partisans du "oui" informent en distribuant la réforme comprenant les 69 articles soumis à référendum. Les partisans du "non", de leur côté, se contentent de slogans et de tracs interprétant les articles du projet constitutionnel à leur manière."  (31). A titre d'exemple, l'auteur de ces lignes s'est vu offrir 6 fois le texte intégral de la Réforme lors d'un déplacement dans le centre de Caracas. Nous n'avons pas souvenir d'un tel empressement de la part de l'Etat français pour faire connaître le texte du Traité pour une Constitution Européenne…

La campagne de l'opposition est basée sur une désinformation permanente que ce soit par les media ou par les tracts. Désinformation basée sur les peurs de la classe moyenne à qui l'opposition veut faire croire qu'avec la Réforme constitutionnelle, l'Etat leur quittera "leur maison", "leur commerce", "leur télévision" (sic) ou encore "leurs enfants". Cette dernière affirmation pourrait faire rire si elle ne rappelait pas l'Opération Peter Pan, montée par la CIA et l'Eglise Cubaine, pour faire croire que l'Etat cubain allait nationaliser les enfants. Comme dit l'adage, c'est dans les vieux pots pourris de l'Impérialisme que l'on fait les meilleures soupes. Qui a donc intérêt à ce que le Peuple ne connaisse pas la Réforme ?

Quoiqu'il en soit, le report du Referendum prôné par l'opposition, est anti-constitutionnel puisque l'article 344 de la Constitution précise que "Le projet de Réforme Constitutionnelle approuvé par l'Assemblée Nationale sera soumis à referendum dans les trente jours suivants cette sanction".  (32) L'Assemblée Nationale a approuvé le projet de Réforme, le 3 novembre 2007. Faites vous-même le calcul.

En fait, là encore, il s'agit d'une offensive pour faire passer le gouvernement pour intolérant et/ou autoritaire. Si l'opposition respectait vraiment, comme elle le prétend, la Constitution du Venezuela, elle ne proposerait pas une demande inconstitutionnelle et ferait une campagne honnête pour essayer de gagner le referendum.


L'autre point commun du referendum du 2 décembre prochain avec les élections présidentielles de décembre 2006 est la présence de groupes paramilitaires d'extrême droite au Venezuela. "De par leur proximité avec la Colombie  (33), les Etats frontaliers sont, évidement, les plus touchés,  mais certains quartiers populaires de Caracas souffrent aussi de ce fléau. Si une grande partie des paramilitaires défendent leur territoire et leur business armes au poing, d'autres restent en couverture menant une vie sociale normale, du moins en apparence. Le nombre est incertain mais jugé important. Or cette organisation, à la différence d'un simple groupe mafieux, a une idéologie politique (d'extrême droite) et une grande rigueur dans son organisation militaire"  (34). Comme un sombre présage, le 20 novembre 2007, une villa du quartier Miranda (Est de Caracas, tout proche de l'Université privée Santa Maria) a été perquisitionnée par la police. Le Ministre de l'Intérieur et de la Justice en conférence de presse a montré le butin saisi : 7 fusil d'assaut, 4 pistolets, une mitrailleuse, 6000 cartouches, des uniformes de l'armée étasunienne, 78 téléphones portables, de la drogue, des fausses cartes d'identité, ainsi que des vieux numéros de la revue colombienne, Semana  (35). Bien que la piste de trafiquants de drogue ne soit pas écartée dans l'enquête, l'hypothèse des réseaux paramilitaires reste une réponse privilégiée. La sécurité pour que chaque vénézuélien exerce son droit à la démocratie ce prochain 2 décembre sera une des clés de la réussite de ces élections.


Epilogue: Pourquoi une chronique si longue ? Pourquoi si tard ?

Et pourquoi pas en plusieurs parties ?

La réponse à toutes ces interrogations vient du fait que j'ai eu un ennui de santé, il y a quelques semaines. J'ai du en urgence partir pour une clinique. Jouissant du privilège d'une police d'assurance privée couverte par mon travail, j'aurais aisément pu aller me faire soigner dans une clinique privée. Mais j'avais déjà eu à faire avec ces supermarchés de la santé.

La première fois, c'était le 31 décembre 2005. Mon vieux pote Djamel était venu passer les fêtes de fin d'année avec moi depuis sa Colombie voisine. Djamel n'était pas venu tout seul. Il était venu porteur de la Dengue hémorragique. Nous sommes allés dans une clinique privée faire des analyses. Les résultats furent sans appel, mon pote Djamel avait perdu 70% de ses plaquettes sanguines. Il fallait donc l'hospitaliser. Comme il ne bénéficiait d'aucune couverture maladie au Venezuela, je me proposais de payer les frais d'hospitalisation et repartais chez moi pour chercher toutes mes économies, soit quelques 2500 euros. Mais trouver un taxi qui me ramène à la clinique un soir de réveillon ne fut pas chose aisé. Après un bon bout de temps passé à chercher, mon ami m'appelle: "Je suis encore aux urgences, dépêches toi de revenir car tant que tu ne payes pas il ne m'hospitaliserons pas". J'ai réussi à revenir avant son décès et finalement il resta hospitalisé tout le temps que lui permettait mes économies : 4 jours.  Djamel va bien, il vous embrasse.

La deuxième fois, c'était il y a quelques mois. Ma compagne se plaint de fortes douleurs abdominales à deux heures du matin. Nous allons donc dans une clinique privée. Elle, elle a la chance d'avoir une police d'assurance privée, donc nous partons confiant. Pas de remake de l'affaire Djamel en vue. Arrivés à la clinique, ils la placent en observation le temps d'appeler l'assurance et de vérifier que celle-ci remboursera les frais médicaux. L'assurance mettra plus de 4 heures à répondre. Lorsque les médecins, enfin sûrs de pouvoir être rémunérés, daignent s'occuper de ma compagne, je leur fis remarquer que si le mal avait été plus grave, elle serait sans doute morte durant ces 4 heures d'attente. Leur réponse à ma préoccupation fut très claire. Ils ont appelé les vigiles chargés de la sécurité de la clinique, et je me suis fait jeté dehors. Oui, oui, dehors, pas d'une discothèque, mais de la clinique où mon amie était hospitalisée. Ma compagne va bien, elle vous embrasse.

Donc, lorsque vint mon tour d'avoir des ennuis de santé, je suis allé sans réfléchir dans une clinique publique de Barrio Adentro. Dans le taxi qui m'emmenait à la clinique "Salvador Allende", je me demandais un court instant si les médecins cubains allaient me soigner avec le couteau entre les dents ou plutôt rangé dans le fourreau, à la ceinture. En fait, j'ai pas vraiment eu le temps de regarder car à peine 15 minutes après mon arrivée, ils me faisaient une radio et je passais devant le médecin-chef qui fut formel : "Vous restez en observation, on vous opère demain". J'ai eu beau leur expliquer qu'ils avaient dû se tromper, qu'une opération n'était peut-être pas justifié, en fait n'importe quelle excuse pour cacher ma trouille de passer sur le billard. Eux aussi, ils ont été très clairs. Mais alors que leurs collègues vénézuéliens de la clinique privée m'avaient foutu dehors alors que je voulais rester, les cubains m'expliquèrent  qu'ils ne me laisseraient pas partir ainsi, et me mirent en confiance quant à l'opération du lendemain. Je suis resté hospitalisé 5 jours, soit un jour de plus que Djamel. Le traitement des infirmier(e)s m'a paru exceptionnel; même la bouffe était bonne, préparée avec des produits frais provenant des supermarchés d'Etat Mercal. J'ai vu travailler l'équipe cubaine, ça ne doit pas être facile de travailler aussi dur. Au fond de mon lit, j'en étais épuisé pour eux. Au bout de 5 jours, et alors que je m'apprêtais à partir, un médecin me rattrape. L'image des 2000 euros me passa par l'esprit. "Tiens, tu as oublié tes médicaments pour tes trois semaines de repos, et n'oublies pas de repasser toutes les semaines pour faire une radio". Un peu honteux d'avoir pensé à la facture, je suis reparti avec les médicaments. On ne m'a pas demandé un centime. Juste mon nom, que la réceptionniste a d'ailleurs mal orthographié.

Quand je suis arrivé chez moi, m'attendaient mon lit et l'ordre "castro-communiste" de formellement y rester. J'ai acheté le journal Ultimas Noticias, le plus lu du Venezuela, celui là même que l'organisation politique internationale Reporters Sans Frontières juge "contrôlé par le chef de l'Etat vénézuélien". Dans les premières pages, sous forme d'une publicité d'une pleine page figurait un pamphlet appelant à "Renverser la Réforme" fait par un leader d'opposition.  (36). Outre l'appel aux universitaires, aux Forces Armées Nationales, aux élus du Peuple à "renverser la réforme constitutionnelle" (un référendum ne se renverse pas, il se gagne par les urnes, les linguistes apprécieront), on pouvait trouver cette petite perle : "Ce régime humilie les vénézuéliens en important des médecins étrangers aux salaires élevés alors que le Venezuela a accouché de nombreux médecins illustres au service du pays et de l'humanité".

J'ai pensé à Djamel, à ma compagne et à l'équipe cubaine de la clinique de Barrio Adentro. Ca m'a attristé ce mensonge outrancier publié dans les media. Et pourtant je suis rodé. Et puis ça m'a énervé, mais je ne pouvais pas m'énerver, je devais me reposer. Alors, j'ai souhaité 5 minutes, juste 5 minutes, être vénézuélien pour pouvoir voter contre ce cynisme, contre cette "réalité virtuelle", pour voter contre l'opposition vénézuélienne au prochain referendum sur la Réforme Constitutionnelle. Et puis je me suis calmé. Je me suis dis qu'il fallait que je me repose si je voulais écrire cette chronique sitôt remis.

Et je me suis rappelé que j'étais français, et qu'à moi, quand mon gouvernement veut changer la Constitution, il ne me demande rien.

Je vais mieux, je vous embrasse.

Notes:

(1)  Article 342 de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela. Disponible en français sur le site du Cercle Bolivarien de Paris : http://cbparis.over-blog.com/

(2)  Pour un autre point de vue que la méconnaissance de la Constitution, voir : Fidel Castro, Les Supers révolutionnaires, http://vdedaj.club.fr/spip/article.php3?id_article=798

(3)  Rappelons que l'opposition vénézuélienne avait boycotté les élections parlementaires de décembre 2005. Voir : Romain Migus, "L'offensive politico-médiatique continue", Le Grand Soir, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2989

(4)  Voir par exemple:  Vincent Taillefumier, "Le lait se fait rare au pays de l'or noir socialiste", Le Temps, 01/11/07. http://www.letemps. ch/template/ economie. asp?page= 9&article=218368

(5)  Voir par exemple, "Decomisaron 40 toneladas de leche en polvo", El Nacional, 01/11/07. Ou encore "Decomisan productos acaparados en sector de Quinta Crespo", El Universal, 25/10/07.

(6)  "Indecu distribuye 125.000 kilos de leche retenidos por la empresa Nestlé", Prensa web RNV, 05/11/07.

(7)  Gustavo Mendez, "Moncada auditara ingresos propios de universidades", El Universal, 29/12/05.

(8)  Voir sur le site de la Fondation de J.M Aznar: http://www.fundacionfaes.info/index.asp?p=443&c=13f3cf8c531952d72e5847c4183e6910

(9)  Voir la photo où l'abbé Ugalde apparaît aux cotés de Carmona et Ortega peu de temps avant le coup d'Etat d'avril 2002 : http://www.aporrealos.org/oposicion/n79957.html

(10)  Voir sur le site de l'Opus Dei : http://www.opusdei.org.ve/art.php?p=16820

(11)  Voir : Romain Migus, "Derrière le masque démocratique de l'opposition vénézuélienne", Risal, http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1965

(12)  "Venezuela: The Marigold Revolution?", STRATFOR, 05/10/2007. http://www.stratfor.com/products/premium/read_article.php?id=296367

(13)  Voir : Romain Migus, "Derrière le masque démocratique de l'opposition vénézuélienne", op.cit

(14)  "Anti-Chavez Venezuelan students in Belgrade", B-92, 05/10/07.
http://www.b92.net/eng/news/society-article.php?yyyy=2007&mm=10&dd=05&nav_id=44337
Notons que B-92 fut fondée par George Soros dans le but de créer des media "indépendants" en Yougoslavie. Ce media a joué un rôle clé dans le coup d'Etat contre Milosevic. L'information sur les étudiants vénézuéliens est donc de première main.

(15)  Voir la vidéo: http://www.radiomundial.com.ve/yvke/noticia.php?865

(16)  Voir la vidéo : http://www.radiomundial.com.ve/yvke/noticia.php?866

(17)  Paolo A. Paranagua, "Tirs à Caracas contre les étudiants hostiles à Hugo Chavez", Le Monde, 09/11/07.

(18)  Ceux qui parlent l'espagnol pourront voir son témoignage, ainsi que l'utilisation que fait l'opposition de leur propre méfait :  http://www.youtube.com/watch?v=JplMEvul_Ks .

(19)  Charles Dantzig, "Ma vie en taxi", Libération, 17/11/07.

(20)  Communiqué du Parti Socialiste Français sur le Venezuela, 12/11/07 : http://international.parti-socialiste.fr/2007/11/12/communique-du-parti-socialiste-sur-le-venezuela/

(21)  La vidéo suivante répare partiellement cette injustice, et montre une autre vision des évènements que celle décrite par les entreprises de communication internationales : http://fr.youtube.com/watch?v=TUhjGZLbb4o

(22)  Heinz Dietrich, "La ruptura Chávez-Baduel: impedir el colapso del proyecto popular", Rebelión,  08/11/07.

(23)  Alexandre Adler, "Les tentations d'Hugo Chavez", Le Figaro, 11/05/05.

(24)  Voir la vidéo : http://fr.youtube.com/watch?v=mvZqCOxzZ_Q&feature=related

(25)  Voir Romain Migus, "Le Monde encense un journaliste de RCTV employé par le gouvernement des Etats-Unis", Le Grand Soir, 28/06/07. http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=5087

(26)  Voir : http://www.lemonde.fr/web/recherche_resultats/1,13-0,1-0,0.html?dans=dansarticle&num_page=1&booleen=et&ordre=pertinence&query=baduel&periode=30&sur=LEMONDE&x=10&y=4

(27)  Voir : Romain Migus, "Derrière le masque démocratique de l'opposition vénézuélienne", op.cit

(28)  Marie Delcas, "La Réforme de la Constitution trouble les partisans d'Hugo Chavez", Le Monde, 19/11/07.

(29)  Voir les résultats émis par le Centre National Electoral : http://www.cne.gov.ve/estadisticas/e010.pdf

(30)  Voir Romain Migus, "De Mission Impossible à Mission Identidad", Le Grand Soir, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2568

(31)  Sébastien Brulez, "La Réforme se jouera dans la rue comme dans les urnes", La Voix du Sud, 21/11/07. http://voixdusud.blogspot.com/

(32)  Article 344 de la Constitution de la République Bolivarienne du Venezuela. Disponible en français sur le site du Cercle Bolivarien de Paris : http://cbparis.over-blog.com/

(33)  Voir Jorge Chávez Morales, "On va en finir avec ce gouvernement de guérilleros", Bellaciao, http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=32272 , voir aussi Aram Aharonian, "De la guerre médiatique à la lutte armée", Voltaire, 27/05/04, http://www.voltairenet.org/article14030.html

(34)  Voir : Romain Migus, "Derrière le masque démocratique de l'opposition vénézuélienne", op.cit

(35)  "Incautan armas y pertrechos militares en la urbanización Miranda", Prensa RNV, 20/11/07.

(36)  Publié dans les plus grands quotidiens vénézuéliens, on peut aussi le lire sur le site web d'extrême droite Noticiero Digital : http://www.noticierodigital.com/forum/viewtopic.php?t=272507&highlight=&sid=b9e272879ea141c57470270fe8f9f84b