Lancée le 18 octobre 2003, la Mission Identidad a permis, dans sa première phase, de délivrer 8.710.404 cartes d’identité en un an, dans un pays où 70% de la population ne possédaient aucun document. Forte de ce succès, la seconde phase de la Mission a commencé le 31 janvier 2005. Des unités mobiles parcourent les barrios pour s’acquitter de cette dette nationale. Depuis le début de la seconde phase, la situation de 2.782.779 personnes a été régularisée.
Tout semble très calme, tôt le matin, au poste de la police métropolitaine du secteur Canaima dans le Barrio El Manicomio. Les policiers se relèvent et partagent un café noir qui, à l’odeur, devrait faire disparaître toute trace de fatigue matinale. Et pourtant cette journée risque d’être particulièrement fatigante. Le commissariat va accueillir une équipe mobile de la Mission Identidad pour effectuer une journée d’identification.
La Mission Identidad est née de l’urgence qui existait dans la distribution de documents d’identité au Venezuela. Ignorant les classes les plus déshéritées pendant plus de quarante ans, la classe politique traditionnelle a légué au gouvernement bolivarien un héritage surréaliste : 70% des vénézuéliens ne possédaient pas de documents d’identité, 90% de ces sans papiers provenaient des classes populaires.
Pour se conformer à l’article 56 de la Constitution bolivarienne , fut lancée la première phase de la Mission Identidad, qui consistait en une régularisation de cette situation chaotique. Quiconque s’est déjà affronté à la Direction de l’Identification et des services Etrangers (DIEX) n’a pu que constater que l’organisme était un monstre inefficace de bureaucratie et de corruption. La DIEX fut donc réorganisée et modernisée. Son nom fut même changé comme pour montrer la rupture avec la politique du passé. Aujourd’hui, elle est devenu le Bureau National d’Identification et des services Etrangers (ONIDEX).
La transformation de la DIEX ne fut pas vaine. Une meilleure coordination des différents services de la nouvelle ONIDEX, alliée à une modernisation technologique et informatique du système d’enregistrement, a contribué à augmenter considérablement la quantité de cartes d’identité délivrées. De 80 documents émis par jour auparavant, la ONIDEX est passée à 300 durant l’année 2004. Ainsi, 8.710.404 cartes d’identité ont été délivrées au cours de cette même année dont 653.306 pour des enfants.
De plus, au cours de cette même période, l’organisme a accordé 283.000 naturalisations sur les 700.000 demandes existantes. Ce qui diverge des politiques antérieures et de ses 90.000 naturalisations en 20 ans ! Parmi les oubliés, figuraient aussi les communautés indigènes, abandonnées pendant des décennies au fond de leur Amazonie. La Mission Identidad leur a octroyé 150.000 cartes d’identité au cours de la seule année 2004. On note encore le contraste avec les 5.000 documents annuels délivrés aux peuples des différentes ethnies par les gouvernements antérieurs.
Motivée par le succès de ces résultats, la seconde phase de la Mission fut lancée le 31 janvier 2005. Et c’est précisément ce qui va troubler le calme matinal du barrio El Manicomio. Les policiers métropolitains ont a peine le temps de finir leur café que deux camionnettes de la ONIDEX déboulent en trombe.
La deuxième phase de la Mission Identidad a pour objectif de décentraliser l’administration. Pour ce faire, des sièges régionaux de la ONIDEX ont été ouverts et des journées d’identification sont opérées au cœur même du lieu de vie des vénézuéliens. En effet, chaque parroquia du pays compte deux unités mobiles composées de neuf fonctionnaires de la ONIDEX. Chaque unité delivre en moyenne au cours de ces journées entre 300 et 350 cartes d’identité gratuitement. Depuis le début de la seconde phase, la situation de 2.782.779 personnes a été régularisée.
Ces opérations sont organisées sur simple demande des organisations de base à la ONIDEX. Aujourd’hui, au Manicomio, ce sont les Comités de Terre Urbains, les Comités de Santé et le Comité Souverain et Révolutionnaire de Défense Juridique qui ont organisé la tenue de la Mission Identidad, et assuré la promotion de l’évènement auprès des habitants. Bien que la Mission soit ici localisée dans ce barrio, n’importe quel habitant du Venezuela peut venir profiter de cette opportunité, quelque soit son lieu de résidence.
Lenice Delgado, la coordinatrice de l’unité mobile qui se prépare a recevoir les habitants du Manicomio nous explique les améliorations de ce système : « De nouveaux équipements informatiques ont été achetés par PDVSA. Ce qui fait que nous sommes passés d’un système manuel comme il existe encore au siège de la ONIDEX, à un enregistrement de haute technologie. Les gens arrivent à un bout de la chaîne avec une photocopie de la carte d identité ou un reçu de la ONIDEX, et repartent vingt minutes plus tard avec leur nouvelle carte d identité. »
A peine les ordinateurs installés, ils sont déjà nombreux à faire la queue, ils savent combien cette initiative gouvernementale leur facilite la vie. Parmi eux Pablo : « Dans ce pays, obtenir une carte d’identité, c’était Mission impossible. Cela mettait des mois, et bien souvent on abandonnait avant de l’avoir reçue. Même les voleurs, lorsqu’ils te dépouillaient te rendaient ta carte d’identité parce qu’ils savaient combien c’était dur de l’obtenir ! »
Erickah rit jaune à la remarque de Pablo : « Moi, je me suis fait voler mon portefeuille il y a deux semaines et ils ne m’ont rien rendu, mais alors que j’aurais dû attendre des mois, je vais l’obtenir aujourd’hui en une journée. C’est formidable, c’est l’administration qui vient à nous ».
Au bout de la chaîne d’identification, Wingler est chargé de vérifier si les personnes sont inscrites sur les registres électoraux et si leur bureau de vote est bien celui indiqué sur les listes du Conseil National Electoral. Depuis la mise en place de machines électorales électroniques, il enregistre aussi dans son ordinateur portable les empreintes digitales de chaque citoyen afin d’éviter tout problème lors du vote électronique. Lenice et ses partenaires se déplacent dans tout Caracas pour permettre à tous les habitants de bénéficier de cette Mission. « Il y a un mois, nous sommes allés à Chacao , les gens s’arrêtaient et demandaient : ah bon c’est possible ! Et vous délivrez la carte d’identité en vingt minutes, je ne savais pas. Attendez je rentre chez moi et je reviens... ». Dans ce fief de l’opposition, peu de publicité avait été faite autour de cette Mission gouvernementale, au détriment des habitants du quartier, qu’ils soient chavistes ou antichavistes.